Introduction : Quand la Musique Soigne l’Âme
La musique possède un pouvoir extraordinaire sur le cerveau humain. Elle peut nous faire pleurer de joie ou de nostalgie, nous donner envie de danser, nous apaiser dans les moments d’angoisse. Ce pouvoir persiste de manière remarquable chez les personnes atteintes de troubles cognitifs, même à des stades avancés de la maladie.
La musicothérapie exploite ce pouvoir à des fins thérapeutiques. Elle est aujourd’hui reconnue comme l’une des approches non médicamenteuses les plus efficaces dans la gestion des troubles du comportement liés aux démences, avec un niveau de preuve scientifique parmi les plus élevés du domaine.
Dans cet article approfondi, nous explorerons les mécanismes d’action de la musique sur le cerveau, les différentes formes de musicothérapie, les protocoles validés, et les conditions de mise en œuvre réussie.
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Pourquoi la Musique Fonctionne : Les Mécanismes Neurobiologiques
La préservation de la mémoire musicale
Un fait remarquable des démences, particulièrement de la maladie d’Alzheimer : la mémoire musicale reste souvent préservée alors que d’autres mémoires sont gravement atteintes. Des personnes qui ne reconnaissent plus leurs proches peuvent encore chanter les chansons de leur jeunesse, jouer d’un instrument appris il y a des décennies, ou être émues aux larmes par une mélodie familière.
Cette préservation s’explique par le fait que la mémoire musicale implique des réseaux cérébraux partiellement différents de ceux de la mémoire épisodique, et moins précocement touchés par la maladie.
L’activation émotionnelle
La musique active directement les structures cérébrales impliquées dans les émotions, notamment l’amygdale et le système limbique. Elle peut déclencher des émotions intenses sans passer par un traitement cognitif complexe.
Cette voie directe vers les émotions explique pourquoi la musique peut apaiser une personne agitée même si elle ne comprend plus les paroles ou ne peut plus exprimer ce qu’elle ressent.
La libération de neurotransmetteurs
L’écoute de musique plaisante entraîne la libération de dopamine (neurotransmetteur du plaisir), d’endorphines (effet analgésique et euphorisant), et d’ocytocine (hormone du lien social).
Ces effets biochimiques expliquent les bénéfices observés sur l’humeur, l’anxiété et les comportements.
La synchronisation et l’entraînement rythmique
Le rythme musical a la capacité de synchroniser l’activité cérébrale et les rythmes biologiques (respiration, rythme cardiaque). Un tempo lent et régulier peut induire un état de relaxation ; un tempo plus rapide peut stimuler et dynamiser.
Cette synchronisation est à la base de certains protocoles utilisés pour calmer l’agitation ou stimuler une personne apathique.
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Les Différentes Formes de Musicothérapie
La musicothérapie réceptive
La musicothérapie réceptive consiste à écouter de la musique dans un cadre thérapeutique. Elle peut être individuelle ou en groupe.
L’écoute personnalisée propose des morceaux choisis en fonction des goûts et de l’histoire musicale de la personne. C’est souvent la forme la plus efficace car elle mobilise les souvenirs et les émotions personnels.
L’écoute de relaxation utilise des musiques spécifiquement composées ou sélectionnées pour leurs propriétés apaisantes (tempo lent, harmonies simples, absence de surprises musicales).
L’écoute en groupe crée un moment de partage et de socialisation autour de la musique.
La musicothérapie active
La musicothérapie active implique une participation de la personne dans la production musicale.
Le chant est la forme la plus accessible. Chanter en groupe des chansons connues est une activité valorisante qui mobilise la mémoire, le langage, la respiration et les capacités sociales.
La pratique instrumentale peut être maintenue ou adaptée chez des personnes qui avaient une pratique antérieure, ou proposée avec des instruments simples (percussion, petits instruments mélodiques).
Le mouvement sur la musique (danse assise, mouvements rythmiques) combine les bénéfices de la musique et de l’activité physique.
Les protocoles spécialisés
Plusieurs protocoles structurés ont été développés et évalués scientifiquement.
MUSIC & MEMORY® est un programme américain qui propose une écoute musicale personnalisée sur casque. Il a montré des effets significatifs sur l’agitation et les troubles du comportement.
Thérapie par l’écoute musicale individualisée (MIST) utilise les musiques préférées de la personne, identifiées par l’entourage.
Musicothérapie neurologique est une approche structurée utilisant des techniques spécifiques pour des objectifs fonctionnels (langage, motricité, cognition).
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La Musicothérapie Face aux Troubles du Comportement
Réduire l’agitation et l’anxiété
L’application la mieux documentée de la musicothérapie est la réduction de l’agitation.
Les protocoles efficaces utilisent généralement une musique au tempo lent (60-80 battements par minute), des harmonies simples et consonantes, un volume modéré, des morceaux familiers et appréciés de la personne.
L’écoute peut être proposée aux moments où l’agitation est habituellement la plus forte (syndrome crépusculaire par exemple) ou en réponse à une agitation émergente.
Améliorer l’humeur et réduire la dépression
La musique a un effet positif documenté sur l’humeur. Les musiques plaisantes activent les circuits de la récompense et génèrent des émotions positives.
Les séances de musicothérapie active (chant, mouvement) ont également un effet socialisant qui contribue à l’amélioration de l’humeur.
Stimuler les personnes apathiques
Pour les personnes apathiques, des musiques plus dynamiques (tempo plus rapide, rythmes marqués) peuvent avoir un effet stimulant.
Les activités musicales actives (chant, percussion) sollicitent l’initiative et l’engagement, contrecarrant l’apathie.
Faciliter les soins
La musique peut être utilisée pendant les soins (toilette, repas) pour créer une ambiance apaisante et réduire les comportements de résistance.
Des études ont montré une réduction significative de l’agitation pendant le bain lorsque la musique préférée de la personne est diffusée.
Améliorer la communication
Chez les personnes dont les capacités verbales sont altérées, la musique offre un canal de communication alternatif. Fredonner ensemble, taper un rythme en miroir, partager une émotion musicale créent une connexion au-delà des mots.
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Mise en Œuvre Pratique de la Musicothérapie
Identifier les préférences musicales
L’efficacité de la musicothérapie dépend largement de l’utilisation de musiques significatives pour la personne. Le recueil des préférences musicales doit être réalisé auprès de la personne (quand c’est possible) et de son entourage.
Les questions à explorer sont : Quelle musique écoutait-elle dans sa jeunesse ? Quels artistes aimait-elle ? A-t-elle pratiqué un instrument ou chanté ? Quelles musiques sont associées à des moments heureux de sa vie ?
Le cadre de l’intervention
Environnement : Un espace calme, confortable, sans distractions.
Moment : Adapté aux objectifs (détente en soirée pour le syndrome crépusculaire, stimulation le matin pour l’apathie).
Durée : 20 à 45 minutes selon la tolérance.
Fréquence : Les effets sont meilleurs avec une pratique régulière (quotidienne ou plusieurs fois par semaine).
Écoute au casque vs. diffusion dans l’espace
L’écoute au casque permet une personnalisation maximale et évite de gêner l’entourage. Elle est particulièrement adaptée aux situations d’agitation individuelle.
La diffusion dans l’espace peut créer une ambiance collective mais nécessite de trouver une musique qui convient à tous, ce qui est plus difficile.
Le rôle du musicothérapeute
Un musicothérapeute diplômé apporte une expertise dans l’évaluation des besoins, le choix des techniques, l’adaptation en temps réel des interventions, et la prise en charge de situations complexes.
Cependant, certaines formes simples de musicothérapie (écoute de musique préférée, chant de groupe) peuvent être mises en œuvre par des professionnels formés ou des aidants sensibilisés.
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Former les Équipes et les Familles
La formation des professionnels
L’intégration de la musique dans l’accompagnement quotidien nécessite une sensibilisation des équipes aux principes et aux techniques.
DYNSEO propose une formation complète sur les troubles du comportement qui aborde la musicothérapie parmi les approches non médicamenteuses validées.

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Accompagner les familles
À domicile, les aidants familiaux peuvent facilement intégrer la musique dans le quotidien : créer une playlist des morceaux préférés, chanter ensemble, danser assis, écouter la musique pendant les moments difficiles.
DYNSEO propose une formation pour les familles avec des outils pratiques incluant l’utilisation de la musique.

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Combiner Musicothérapie et Stimulation Cognitive
Une synergie bénéfique
La musique peut être intégrée aux activités de stimulation cognitive : exercices de mémoire autour des paroles de chansons, reconnaissance de mélodies, association musique-époque-souvenirs.
Le programme EDITH
Le programme EDITH de DYNSEO propose des activités de stimulation cognitive pour les seniors qui peuvent être enrichies par des moments musicaux.
Le programme JOE
Pour les adultes, le programme JOE offre des exercices cognitifs variés.
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Les Preuves d’Efficacité
Un niveau de preuve élevé
La musicothérapie est l’une des approches non médicamenteuses disposant du meilleur niveau de preuve scientifique.
Les méta-analyses récentes concluent à une efficacité significative sur l’agitation et les comportements perturbateurs, sur l’anxiété, sur les symptômes dépressifs, sur la qualité de vie, et sur les interactions sociales.
Les recommandations officielles
La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande la musicothérapie comme intervention non médicamenteuse de première intention dans les troubles du comportement des démences.
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Conclusion : Un Langage Universel au Service du Soin
La musique est un langage universel qui parle directement à nos émotions, au-delà des mots et de la raison. Cette propriété en fait un outil précieux dans l’accompagnement des personnes dont les capacités cognitives et verbales déclinent.
Intégrer la musique dans les soins quotidiens, proposer des séances de musicothérapie structurées, former les équipes et les familles : autant de leviers pour améliorer le bien-être et réduire les troubles du comportement.
Ressources DYNSEO :
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Cet article a été rédigé par l’équipe DYNSEO, spécialiste de l’accompagnement cognitif et de la formation aux troubles du comportement.