Meta description : Découvrez pourquoi les personnes trisomiques comprennent souvent mieux qu’elles ne s’expriment et comment adapter votre accompagnement en établissement.
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Introduction
Vous travaillez en ESAT, en foyer ou en IME et vous avez certainement déjà vécu cette situation : une personne porteuse de trisomie 21 suit parfaitement une conversation, réagit de manière appropriée à une plaisanterie, montre qu’elle a compris une consigne complexe, mais peine ensuite à formuler une réponse verbale claire. Cette dissymétrie entre compréhension et expression est l’une des caractéristiques les plus importantes à saisir pour accompagner efficacement au quotidien.
Comprendre ce décalage change fondamentalement notre regard et notre pratique. Une personne qui s’exprime difficilement n’est pas une personne qui ne comprend pas. Trop souvent, cette confusion conduit à sous-estimer les capacités réelles, à infantiliser involontairement, ou à créer des frustrations profondes chez la personne accompagnée. Cet article vous propose d’explorer les mécanismes de cette dissymétrie et surtout de découvrir des stratégies concrètes pour adapter votre communication en établissement.
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Qu’est-ce que la dissymétrie compréhension/expression dans la trisomie 21 ?
Un écart qui se manifeste dès l’enfance
Chez les personnes porteuses de trisomie 21, le développement du langage suit un parcours particulier. La compréhension du langage oral se développe généralement de manière relativement proche de la norme, avec un décalage modéré. En revanche, l’expression verbale accuse souvent un retard plus marqué et présente des difficultés persistantes.
Ce décalage s’installe progressivement dès les premières années de vie. Un enfant trisomique de trois ans peut comprendre des consignes complexes en deux ou trois étapes, reconnaître un vocabulaire étendu, suivre une histoire, tout en ne produisant que quelques mots isolés ou des approximations phonétiques. Cette dissymétrie tend à persister à l’âge adulte, même si les capacités expressives continuent de progresser tout au long de la vie.
Les causes de ce décalage
Plusieurs facteurs expliquent cette différence entre réception et production du langage. Sur le plan anatomique, l’hypotonie musculaire touche également les muscles impliqués dans la parole : la langue, les lèvres, le voile du palais, les muscles respiratoires. Cette faiblesse musculaire rend l’articulation plus difficile et fatiguante.
Les particularités de la mémoire de travail jouent également un rôle majeur. La mémoire de travail verbale, celle qui permet de maintenir et manipuler des informations sonores pendant quelques secondes, est souvent plus fragile. Or, pour construire une phrase, il faut pouvoir garder en tête le début pendant qu’on produit la suite. Cette difficulté de stockage temporaire complique la planification et la production du discours.
La mémoire visuelle et la compréhension contextuelle, en revanche, sont généralement mieux préservées. Les personnes trisomiques s’appuient souvent sur les indices visuels, les expressions faciales, le contexte global pour comprendre les messages. Cette force relative compense en partie les difficultés de traitement auditif séquentiel.
Ce que cela implique au quotidien en établissement
En ESAT, cette dissymétrie peut se manifester de multiples façons. Un travailleur comprend parfaitement les étapes d’une tâche expliquée oralement, mais ne parvient pas à expliquer verbalement ce qu’il fait quand on lui pose la question. En foyer, un résident saisit les règles de vie collective, perçoit les tensions dans le groupe, mais ne peut pas toujours verbaliser ce qu’il ressent ou ce dont il a besoin.
Cette situation crée un risque permanent de malentendu. L’entourage professionnel peut interpréter l’absence de réponse verbale comme une incompréhension, un désintérêt ou un refus, alors qu’il s’agit d’une difficulté d’expression. Inversement, une réponse verbale approximative peut masquer une compréhension fine et nuancée de la situation.
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Les conséquences sur le vécu de la personne accompagnée
La frustration de ne pas pouvoir dire
Imaginez un instant que vous compreniez tout ce qui se passe autour de vous, que vous ayez des opinions, des envies, des émotions complexes, mais que votre bouche refuse de produire les mots que votre esprit formule. Cette expérience quotidienne génère une frustration considérable chez de nombreuses personnes porteuses de trisomie 21.
Cette frustration communicative est souvent à l’origine de comportements que nous qualifions de “difficiles”. Un cri, un geste brusque, un refus soudain de coopérer peuvent être l’expression d’un message qui n’a pas trouvé d’autre canal. Reconnaître cette réalité change notre interprétation des situations et notre réponse.
Le risque de sous-estimation des capacités
Quand l’expression est limitée, l’entourage peut inconsciemment réduire ses attentes et ses propositions. On simplifie excessivement les activités, on évite les sujets de conversation complexes, on prend des décisions à la place de la personne. Cette spirale descendante prive la personne d’opportunités de développement et renforce son isolement.
En établissement, ce phénomène peut se traduire par des projets personnalisés peu ambitieux, des activités répétitives et peu stimulantes, une participation limitée aux décisions concernant sa propre vie. La personne se retrouve alors dans un environnement qui ne reconnaît pas ses véritables capacités.
L’impact sur l’estime de soi
Se sentir incompris jour après jour, être régulièrement interrompu, voir les autres répondre à sa place, tout cela affecte profondément l’image de soi. Certaines personnes finissent par se replier, par éviter les interactions verbales, par adopter une posture passive qui ne correspond pas à leur personnalité profonde.
Cette dimension psychologique mérite toute notre attention. Un accompagnement qui prend en compte la dissymétrie compréhension/expression contribue non seulement à une meilleure communication, mais aussi au bien-être émotionnel et à l’épanouissement de la personne.
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Comment évaluer le niveau réel de compréhension ?
Observer au-delà des mots
Pour accompagner efficacement, il est essentiel de développer une observation fine qui va au-delà de la production verbale. Les réactions non verbales constituent une mine d’informations : un regard qui s’oriente vers l’objet mentionné, un sourire à une plaisanterie, un froncement de sourcils face à une information surprenante, une posture qui change selon le contexte.
En pratique, prenez l’habitude de noter ces indices lors des interactions. Quand vous expliquez une nouvelle tâche, observez si la personne anticipe les gestes, si elle prépare le matériel nécessaire avant que vous ne le demandiez, si elle corrige spontanément une erreur. Ces comportements révèlent une compréhension qui dépasse ce que l’expression verbale laisse paraître.
Proposer des moyens de réponse alternatifs
Pour évaluer la compréhension sans passer par l’expression orale, proposez des modalités de réponse alternatives. Montrer plutôt que dire, désigner une image parmi plusieurs, faire un geste, mimer une action. Ces supports permettent à la personne de démontrer sa compréhension sans buter sur les difficultés articulatoires.
Les questions à choix fermé, avec deux ou trois options concrètes, sont également précieuses. Au lieu de demander “Qu’est-ce que tu veux faire cet après-midi ?”, proposez “Tu préfères aller à l’atelier peinture ou à la salle de sport ?” avec un support visuel si possible. La réponse révèle alors les préférences réelles de la personne.
Attention aux faux positifs et faux négatifs
L’évaluation de la compréhension comporte des pièges. Certaines personnes ont développé des stratégies pour masquer leur incompréhension : acquiescer systématiquement, répéter le dernier mot entendu, imiter le comportement des autres. À l’inverse, une mauvaise journée, une fatigue inhabituelle ou un stress peuvent temporairement réduire les capacités de compréhension.
Croisez vos observations dans différents contextes, à différents moments, avec différents interlocuteurs. Discutez en équipe de vos perceptions respectives. Cette triangulation permet de construire une image plus juste et nuancée des capacités réelles de chaque personne.
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Adapter sa communication : stratégies concrètes pour les professionnels
Ralentir sans infantiliser
Le premier ajustement concerne le rythme. Parler plus lentement donne à la personne le temps de traiter l’information auditive, de faire les liens avec ses connaissances, de préparer une éventuelle réponse. Mais attention à ne pas tomber dans un débit artificiel et condescendant.
L’objectif est de laisser des pauses naturelles, d’articuler clairement sans exagération, de respecter un temps de latence après vos questions. Comptez mentalement jusqu’à dix avant de reformuler ou de passer à autre chose. Ce temps peut sembler long, mais il est souvent nécessaire pour permettre l’élaboration de la réponse.
Simplifier sans appauvrir
Simplifier la forme de vos messages ne signifie pas appauvrir leur contenu. Utilisez des phrases courtes et des structures syntaxiques simples, mais n’évitez pas les sujets complexes ou les informations importantes. Une personne porteuse de trisomie 21 a le droit d’être informée des décisions qui la concernent, des événements qui touchent son entourage, des actualités du monde.
Privilégiez une idée par phrase. Au lieu de dire “Demain on va aller au médecin pour ta visite annuelle et après on passera à la pharmacie chercher tes médicaments et on rentrera pour le déjeuner”, décomposez : “Demain matin, on va chez le médecin. C’est ta visite annuelle. Ensuite, on ira à la pharmacie. On sera rentrés pour le déjeuner.”
Utiliser les forces visuelles
La mémoire visuelle étant généralement un point fort, appuyez-vous sur ce canal chaque fois que possible. Accompagnez vos explications de gestes, de démonstrations, d’objets concrets. Utilisez des supports visuels : photos, pictogrammes, schémas, emplois du temps illustrés.
En ESAT, une fiche de poste avec des photos des différentes étapes vaut souvent mieux qu’une explication verbale détaillée. En foyer, un planning visuel de la semaine avec des images représentant les activités offre un repère stable et consultable à tout moment.
Vérifier la compréhension autrement
Évitez la question “Tu as compris ?” qui appelle presque automatiquement une réponse positive, qu’elle soit sincère ou non. Préférez des vérifications concrètes : “Montre-moi comment tu vas faire”, “Qu’est-ce qu’on fait en premier ?”, “Montre-moi sur la photo”.
Cette vérification active permet de repérer les incompréhensions avant qu’elles ne génèrent des erreurs ou des frustrations. Elle donne aussi l’occasion de reformuler, d’ajouter des précisions, d’ajuster votre message en temps réel.
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Encourager et soutenir l’expression
Créer un climat de sécurité communicationnelle
Pour oser s’exprimer malgré les difficultés, la personne a besoin de se sentir en sécurité. Elle doit savoir qu’elle ne sera pas jugée sur sa façon de parler, qu’on lui laissera le temps nécessaire, qu’on ne finira pas ses phrases à sa place, qu’on cherchera sincèrement à la comprendre.
Cette sécurité se construit au quotidien, par des attitudes constantes : un regard attentif et patient, l’absence d’interruption, des reformulations bienveillantes qui montrent qu’on cherche à comprendre, des encouragements qui valorisent l’effort de communication plutôt que la performance linguistique.
Proposer des alternatives à la parole
L’expression ne passe pas uniquement par la parole. Les gestes, les signes, les pictogrammes, les photos, les dessins, l’écriture quand elle est possible, constituent autant de canaux d’expression à valoriser et à développer. L’objectif n’est pas de remplacer la parole, mais de la compléter et de la soutenir.
En établissement, réfléchissez aux outils de communication alternative et augmentée (CAA) qui pourraient bénéficier aux personnes que vous accompagnez. Un classeur de communication avec des photos personnalisées, une application sur tablette, un tableau de pictogrammes peuvent transformer le quotidien.
Valoriser toute tentative de communication
Chaque effort d’expression mérite d’être accueilli positivement, même si le message est incomplet ou difficile à comprendre. Un sourire, un hochement de tête, une reformulation qui montre qu’on a saisi l’essentiel encouragent la personne à persévérer.
À l’inverse, les corrections systématiques, les demandes de répétition “pour bien parler”, les soupirs d’impatience découragent et peuvent conduire au mutisme. La priorité est la communication, pas la correction phonétique.
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Le rôle de la stimulation cognitive dans l’accompagnement
Maintenir et développer les capacités langagières
Les capacités de communication continuent d’évoluer tout au long de la vie. Une stimulation régulière et adaptée contribue à maintenir les acquis et à progresser. Cette stimulation ne nécessite pas forcément des séances formelles avec un orthophoniste, même si cet accompagnement spécialisé reste précieux quand il est possible.
Au quotidien, chaque interaction est une opportunité de stimulation langagière. Nommer les objets, décrire les actions en cours, poser des questions ouvertes, lire ensemble, raconter des événements passés ou à venir, tout cela nourrit les compétences communicationnelles.
L’apport des applications de stimulation cognitive
Les applications comme JOE, conçue par DYNSEO pour les adolescents et adultes, proposent des exercices ludiques qui travaillent différentes fonctions cognitives impliquées dans la communication : attention auditive, mémoire de travail, compréhension de consignes, logique séquentielle. Ces outils numériques présentent l’avantage de s’adapter au rythme de chaque utilisateur et de proposer des défis progressifs sans pression de temps.
Pour les enfants accompagnés en IME ou SESSAD, l’application COCO PENSE et COCO BOUGE offre des jeux éducatifs adaptés qui stimulent le langage, la mémoire et l’attention, avec une pause sportive intégrée qui respecte le besoin de mouvement. Ces outils complètent utilement l’accompagnement humain sans s’y substituer.
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Travailler en équipe sur la communication
Partager les observations et les stratégies
La cohérence d’équipe est fondamentale. Si chaque professionnel développe ses propres stratégies de communication avec une personne, celle-ci doit constamment s’adapter à des interlocuteurs différents. Inversement, une équipe qui partage ses observations et harmonise ses pratiques offre un environnement plus lisible et sécurisant.
Organisez des temps d’échange dédiés à la communication. Partagez ce qui fonctionne avec telle personne, les expressions qu’elle utilise, les signes qu’elle a développés, les sujets qui l’intéressent. Constituez des fiches de communication personnalisées accessibles à tous, y compris aux remplaçants et aux nouveaux collègues.
Impliquer les familles et les partenaires
Les familles possèdent souvent une connaissance irremplaçable des modes de communication de leur proche. Elles ont développé au fil des années des codes, des habitudes, des stratégies qu’il serait dommage de ne pas connaître et utiliser en établissement. De même, les autres professionnels intervenant auprès de la personne (orthophoniste, psychologue, éducateur sportif) peuvent apporter des éclairages complémentaires.
Cette collaboration nécessite des temps de rencontre, des outils de transmission, une reconnaissance mutuelle des expertises. Elle s’inscrit dans une approche globale de l’accompagnement où la personne reste au centre.
Se former pour mieux accompagner
Accompagner la communication des personnes porteuses de trisomie 21 demande des compétences spécifiques qui s’acquièrent et se perfectionnent. La formation “Trisomie 21 en établissement : Accompagnement global” proposée par DYNSEO consacre une part importante à la communication, en abordant notamment la compréhension des particularités langagières, les outils de communication alternative, l’adaptation des consignes et la gestion des frustrations communicatives.
Cette formation de 14 heures, destinée aux équipes éducatives d’ESAT, foyers, IME et SESSAD, permet de développer des compétences immédiatement applicables sur le terrain. Elle offre aussi un espace de réflexion et d’échange entre professionnels confrontés aux mêmes défis.
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À retenir
> La dissymétrie entre compréhension et expression est une caractéristique centrale de la communication chez les personnes porteuses de trisomie 21. La comprendre permet d’éviter les malentendus, de reconnaître les véritables capacités de chaque personne et d’adapter efficacement nos pratiques professionnelles. En ralentissant notre débit, en simplifiant nos phrases sans appauvrir leur contenu, en utilisant les supports visuels, en valorisant toutes les formes d’expression, nous créons un environnement où la communication devient possible et épanouissante pour tous.
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Conclusion
La dissymétrie compréhension/expression n’est pas un obstacle insurmontable, c’est une caractéristique à connaître et à prendre en compte dans notre accompagnement quotidien. Derrière les mots qui peinent à sortir, il y a une personne qui comprend, qui ressent, qui pense, qui souhaite participer à la vie sociale et exprimer ses choix.
Votre rôle de professionnel est de créer les conditions qui rendent cette expression possible, sous toutes ses formes. Ce travail demande de la patience, de l’observation, de la créativité et une remise en question régulière de nos pratiques. Il demande aussi de prendre soin de nous-mêmes, car accompagner au quotidien est exigeant.
Pour approfondir vos compétences et découvrir de nouvelles stratégies d’accompagnement, la formation “Trisomie 21 en établissement : Accompagnement global” vous offre un cadre structuré et des outils concrets. N’hésitez pas à la consulter sur le site de DYNSEO.
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Suggestions de maillage interne
1. Pictogrammes et supports visuels : créer un environnement facilitant la communication
2. Signes et gestes pour soutenir la communication en ESAT, IME et foyer
3. Adapter ses consignes aux personnes porteuses de trisomie 21 : phrases courtes, formulations positives
4. Reconnaître les signes de frustration communicative avant le débordement
5. Particularités cognitives et trisomie 21 : temps de traitement, mémoire, abstraction
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Formation recommandée :
Trisomie 21 en établissement : Accompagnement global
Application recommandée :
JOE, votre coach cérébral

