Vivre avec une sclérose en plaques (SEP), c’est un peu comme apprendre à naviguer sur une mer dont les courants et la météo changent sans cesse. Certains jours, les eaux sont calmes, et d’autres, la houle se lève, rendant chaque manœuvre plus complexe. Dans ce voyage, l’ergothérapeute est votre capitaine de port, un expert qui vous aide à ajuster vos voiles, à renforcer la coque de votre navire et à tracer une nouvelle route pour atteindre vos destinations, même lorsque le vent semble contraire. Son rôle ne se limite pas à la rééducation physique ; il s’agit d’un accompagnement global pour vous permettre de maintenir une vie active, autonome et pleine de sens. Cet article vous propose de plonger au cœur de cette profession essentielle pour comprendre comment, concrètement, l’ergothérapeute peut devenir votre plus grand allié au quotidien.
Lorsqu’on entend le mot « thérapeute », on pense souvent à la rééducation d’une fonction perdue. L’ergothérapeute, lui, a une approche plus large. Il ne se demande pas seulement « Comment réparer le muscle ou l’articulation ? », mais plutôt « Comment permettre à cette personne de continuer à faire ce qui est important pour elle, malgré les défis imposés par la maladie ? ».
Plus qu’un simple « rééducateur »
Le cœur de l’ergothérapie, c’est l’« occupation », au sens noble du terme : toutes les activités qui occupent votre temps et donnent un sens à votre vie.
L’ergothérapeute est donc un architecte du quotidien. Il analyse avec vous vos habitudes, vos envies, vos difficultés, et vous aide à reconstruire ou à réaménager vos activités pour qu’elles restent possibles et agréables. Son objectif n’est pas de vous faire rentrer dans un moule, mais de modeler l’environnement et les habitudes autour de vos capacités et de vos objectifs personnels.
L’évaluation initiale : la pierre angulaire de l’intervention
Toute intervention commence par une évaluation complète et personnalisée. Ce n’est pas un examen médical froid, mais une conversation, une observation bienveillante.
- L’entretien : Il vous interrogera sur votre routine quotidienne, ce que vous aimez faire, ce qui est devenu difficile, ce qui vous frustre. Il s’intéressera à la gestion de la fatigue, à vos douleurs, mais aussi à vos projets de vie.
- La mise en situation : Il pourra vous observer réaliser des tâches concrètes, comme préparer une boisson chaude dans votre cuisine ou vous installer à votre bureau. L’objectif n’est pas de vous juger, mais d’identifier précisément les obstacles : un placard trop haut, un bouton difficile à tourner, une posture qui génère de la fatigue.
- L’analyse de l’environnement : Votre domicile, votre lieu de travail, et même votre voiture, sont passés au crible pour repérer les potentiels freins à votre autonomie et à votre sécurité.
Cette première étape est fondamentale, car elle permet de définir un plan d’action sur mesure, parfaitement adapté à votre situation unique.
Adapter l’environnement pour préserver l’autonomie et l’énergie
L’un des piliers de l’intervention en ergothérapie est l’adaptation de l’environnement matériel. L’idée est simple : si vous ne pouvez pas changer la maladie, changez ce qui vous entoure pour vous faciliter la vie. Votre domicile ne doit pas être un parcours d’obstacles, mais un cocon sécurisant et fonctionnel.
L’aménagement du domicile : un havre de paix
Chaque pièce de la maison peut être optimisée. L’ergothérapeute vous proposera des solutions souvent simples mais terriblement efficaces.
Dans la salle de bain, par exemple, le risque de chute est une préoccupation majeure. L’installation de barres d’appui stratégiquement placées près de la douche ou des toilettes, l’utilisation d’un siège de douche ou d’un tapis antidérapant peuvent transformer ce lieu anxiogène en un espace de bien-être sécurisé.
Dans la cuisine, la fatigue peut vite rendre la préparation des repas décourageante. L’ergothérapeute peut vous aider à réorganiser vos placards pour que les objets les plus utilisés soient à portée de main, vous conseiller des ustensiles à manche ergonomique, un ouvre-boîte électrique ou encore un chariot à roulettes pour transporter les plats sans effort.
La gestion de la fatigue : votre capital le plus précieux
La fatigue est l’un des symptômes les plus invalidants et invisibles de la SEP. Elle n’est pas une simple « envie de dormir », mais un épuisement profond qui peut survenir soudainement. L’ergothérapeute est un expert pour vous apprendre à gérer ce capital énergie. Il vous enseignera les principes de conservation de l’énergie, souvent résumés par la règle des « 4 P » :
- Planifier : Organiser sa journée ou sa semaine à l’avance pour alterner les tâches exigeantes et les temps de repos.
- Prioriser : Décider de ce qui est vraiment important à faire et apprendre à déléguer ou à reporter le reste.
- Positionner : Adopter des postures qui demandent moins d’effort. Par exemple, s’asseoir pour éplucher les légumes plutôt que de rester debout.
- Simplifier (Pacing en anglais) : Fractionner les tâches longues en plusieurs petites étapes. Plutôt que de faire tout le ménage d’un coup, on peut consacrer 15 minutes à une seule pièce chaque jour.
Les aides techniques : des extensions de vos capacités
Les aides techniques ne sont pas des béquilles ou des aveux de faiblesse, mais des outils intelligents qui prolongent vos capacités. L’ergothérapeute possède une connaissance encyclopédique de ce qui existe et, surtout, il saura vous orienter vers l’aide la plus pertinente pour vous, en fonction de vos besoins et de votre budget. Cela peut aller d’un simple enfile-bas ou d’un chausse-pied à long manche, à des solutions plus complexes comme un clavier d’ordinateur adapté, un fauteuil roulant électrique ou un système de domotique pour contrôler les lumières et les volets à distance. Son rôle est de vous permettre de tester ces aides et de vous former à leur utilisation pour qu’elles s’intègrent parfaitement à votre quotidien.
La stimulation cognitive : entraîner le cerveau face aux « bugs » de la SEP
La sclérose en plaques n’affecte pas que le corps. Plus de la moitié des personnes atteintes connaissent, à un moment ou à un autre, des troubles cognitifs. C’est un aspect souvent tabou et difficile à expliquer à l’entourage, car il est invisible. L’ergothérapeute joue ici aussi un rôle crucial.
Les troubles cognitifs dans la SEP : un ennemi invisible
Imaginez que votre cerveau est un ordinateur ultra-puissant, mais que la connexion internet est parfois instable. Les informations sont là, mais elles mettent plus de temps à arriver, ou se perdent en chemin. C’est une bonne métaphore pour décrire les troubles cognitifs dans la SEP. Ils peuvent se manifester par :
- Des difficultés de concentration (l’impression de « décrocher » au milieu d’une conversation).
- Des problèmes de mémoire (oublier un rendez-vous, chercher ses mots).
- Un ralentissement de la vitesse de traitement de l’information (avoir besoin de plus de temps pour comprendre une question et y répondre).
- Des difficultés avec les fonctions exécutives (planifier, organiser, prendre des décisions).
Ces « bugs » peuvent avoir un impact majeur sur la vie professionnelle, sociale et familiale, générant frustration et perte de confiance en soi.
Le bilan cognitif : cartographier les défis
Avant d’agir, il faut comprendre. L’ergothérapeute peut réaliser (ou vous orienter vers un neuropsychologue pour) un bilan cognitif. À travers des exercices et des tests spécifiques, il va évaluer vos différentes fonctions cognitives pour identifier précisément vos points forts et vos points faibles. Cette « cartographie » de votre fonctionnement cérébral est essentielle pour proposer une rééducation ciblée et efficace.
Des stratégies concrètes pour le quotidien
La rééducation cognitive ne se résume pas à faire des exercices. C’est avant tout apprendre des stratégies pour contourner les difficultés au quotidien. L’ergothérapeute vous aidera à mettre en place des « prothèses cognitives » :
- Utiliser un agenda papier ou électronique de manière systématique pour noter tous les rendez-vous et les tâches à faire.
- Programmer des alarmes et des rappels sur votre téléphone.
- Créer des routines pour automatiser certaines actions et libérer de la « charge mentale ».
- Utiliser des listes de courses ou des pense-bêtes.
- Décomposer les tâches complexes en petites étapes simples et écrites.
L’objectif est de vous donner des outils pour que votre environnement vous aide à compenser les difficultés et à vous sentir plus en contrôle.
Le numérique au service de la rééducation cognitive : les outils modernes
Aujourd’hui, la technologie offre des possibilités extraordinaires pour compléter le travail réalisé en cabinet. Les applications et programmes d’entraînement cérébral sont devenus des alliés précieux, à condition qu’ils soient bien conçus et utilisés à bon escient, en lien avec votre thérapeute.
Quand la technologie devient un coach personnel
L’avantage des outils numériques est leur accessibilité. Vous pouvez vous entraîner chez vous, à votre rythme, sur une tablette ou un smartphone. Le format ludique des jeux permet de maintenir la motivation sur le long terme, ce qui est la clé du succès en rééducation. De plus, ces programmes permettent un suivi précis des performances, ce qui aide à visualiser les progrès et à ajuster le niveau de difficulté.
DYNSEO : des programmes pensés pour vous et vos thérapeutes
Chez DYNSEO, nous avons développé des solutions numériques spécifiquement pensées pour accompagner les personnes vivant avec des troubles cognitifs, en étroite collaboration avec les professionnels de santé.
- Nos applications dédiées à la sclérose en plaques : Nous proposons des applications qui peuvent vous aider dans la gestion quotidienne de la maladie, en vous offrant des outils de suivi des symptômes, des conseils personnalisés et des programmes d’activités physiques adaptées, en complément de votre suivi médical et thérapeutique.
- Notre programme d’entraînement cérébral Edith & Joe : Il s’agit d’une plateforme d’entraînement cérébral adaptée, qui propose des centaines de jeux cognitifs amusants et culturels. Ces jeux sont conçus pour stimuler de manière ciblée toutes les fonctions cognitives : mémoire, attention, langage, fonctions exécutives, vitesse de traitement. Les contenus sont adaptés à la culture francophone, pour que l’entraînement reste un plaisir et non une corvée.
- Une collaboration unique avec les orthophonistes et ergothérapeutes : C’est là que nos outils prennent tout leur sens. Votre ergothérapeute ou votre orthophoniste peut se connecter à une plateforme professionnelle. Depuis celle-ci, il peut vous prescrire un programme d’entraînement personnalisé, en choisissant les jeux les plus pertinents par rapport à votre bilan cognitif. Il peut suivre vos résultats à distance, voir où vous rencontrez des difficultés, et ajuster le programme en temps réel. L’application devient alors le prolongement de la séance de thérapie, un lien continu entre vous et votre soignant.
Un exemple concret : le parcours de Marc avec Joe
Marc, 45 ans, a des difficultés à planifier ses journées de travail depuis que la SEP affecte ses fonctions exécutives. Son ergothérapeute lui propose d’utiliser le programme Joe. En séance, ils définissent ensemble les objectifs. L’ergothérapeute programme des exercices spécifiques : un jeu de recettes de cuisine pour travailler la planification des étapes, un jeu de gestion d’emploi du temps pour s’entraîner à prioriser, et des jeux de calcul mental pour maintenir sa vitesse de traitement. Entre deux rendez-vous, Marc s’entraîne 15 minutes par jour. Lors de la séance suivante, son thérapeute analyse avec lui ses résultats sur la plateforme : il constate une amélioration dans la planification mais encore quelques difficultés dans la flexibilité mentale. Il adapte alors le programme et lui donne de nouvelles stratégies à appliquer au bureau, en se basant sur les observations concrètes issues des jeux.
L’ergothérapeute, un coordinateur au cœur de votre parcours de soin
Le rôle de l’ergothérapeute ne s’arrête pas à la porte de votre domicile ou de son cabinet. Il est un véritable chef d’orchestre qui s’assure que tous les instruments jouent en harmonie pour votre bien-être.
L’interface avec les autres professionnels de santé
Il collabore étroitement avec votre médecin neurologue, votre kinésithérapeute, votre orthophoniste, votre psychologue, etc. Il partage ses observations et ses conclusions pour que la prise en charge soit cohérente et globale. Par exemple, si le kinésithérapeute travaille sur le renforcement musculaire de vos bras, l’ergothérapeute s’assurera que vous puissiez utiliser cette force retrouvée pour une activité qui vous tient à cœur, comme le jardinage.
L’accompagnement au travail et dans les loisirs
Votre vie ne se résume pas à votre domicile. L’ergothérapeute peut intervenir sur votre lieu de travail pour proposer des aménagements de poste (un siège ergonomique, un logiciel de reconnaissance vocale, un horaire adapté) afin de vous permettre de maintenir votre activité professionnelle. Il peut également vous aider à adapter vos loisirs. Vous aimez la peinture mais la préhension des pinceaux est difficile ? Il cherchera avec vous des outils adaptés. Vous adorez jardiner mais vous ne pouvez plus vous baisser ? Il vous aidera à concevoir un potager surélevé.
Vers une autonomie redéfinie et une meilleure qualité de vie
En conclusion, l’ergothérapeute est bien plus qu’un simple fournisseur de solutions techniques. C’est un partenaire qui vous écoute, vous comprend et vous accompagne avec créativité et pragmatisme. Il ne vous promet pas de faire disparaître les symptômes de la sclérose en plaques, mais il vous donne les clés pour en limiter l’impact sur votre vie. En travaillant avec vous pour adapter votre environnement, gérer votre énergie et stimuler vos fonctions cognitives, il vous aide à redéfinir votre autonomie et à rester l’acteur principal de votre vie. Faire appel à un ergothérapeute, c’est choisir de ne pas subir la maladie, mais d’apprendre à naviguer avec elle, en gardant toujours le cap sur ce qui compte vraiment pour vous.
Notre guide pour accompagner les personnes souffrant de Scléroses en Plaques peut être trouvé à l’adresse suivante : https://www.dynseo.com/la-reeducation-cognitive-lorsque-lon-est-atteint-dune-sclerose-en-plaques/.
