Protéger et construire l’estime de soi d’un enfant qui se compare constamment aux autres
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Introduction : le piège de la comparaison
« Lui, il arrive à rester assis. Pourquoi pas moi ? » « Elle a eu 18, moi j’ai eu 8. Je suis nul. » « Tout le monde a des amis sauf moi. » « Mon frère n’a jamais de punition. Je suis le pire. »
La comparaison est un réflexe humain universel. Nous nous situons par rapport aux autres pour évaluer nos compétences, notre valeur, notre place dans le groupe. Mais pour l’enfant TDAH, cette comparaison est presque toujours défavorable — et elle est constante.
À l’école, il se compare aux élèves qui restent assis, qui finissent leurs exercices, qui ont de bonnes notes. Dans la fratrie, il se compare aux frères et sœurs qui se font moins punir. Dans les activités, il se compare aux autres enfants qui réussissent ce qu’il rate.
Cette comparaison permanente, systématiquement à son désavantage, érode profondément l’estime de soi. Et une estime de soi abîmée a des conséquences durables sur le développement, la motivation, les relations et la santé mentale.
Aider votre enfant à construire une estime de soi solide malgré le TDAH est l’un des cadeaux les plus précieux que vous puissiez lui faire.
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L’estime de soi : de quoi parle-t-on ?
Définition et composantes
L’estime de soi est l’évaluation globale qu’une personne fait de sa propre valeur. Elle comporte plusieurs dimensions :
L’estime de soi scolaire : comment l’enfant se perçoit en tant qu’élève (« je suis bon/mauvais à l’école »)
L’estime de soi sociale : comment l’enfant se perçoit dans ses relations (« j’ai des amis / je suis rejeté »)
L’estime de soi physique : comment l’enfant perçoit son corps et ses capacités physiques
L’estime de soi familiale : comment l’enfant se sent valorisé dans sa famille
L’estime de soi globale : le sentiment général de valeur personnelle (« je suis quelqu’un de bien / je ne vaux rien »)
Comment se construit l’estime de soi
L’estime de soi se construit à partir de plusieurs sources :
Les expériences de réussite : chaque succès renforce le sentiment de compétence.
Le regard des autres : les feedbacks reçus (compliments, critiques, attitudes) façonnent l’image de soi.
La comparaison sociale : se situer par rapport aux pairs influence l’auto-évaluation.
Le discours intérieur : ce que l’enfant se dit à lui-même (« je suis capable / je suis nul »).
Pour un enfant TDAH, ces quatre sources sont souvent négatives : plus d’échecs que de réussites, plus de critiques que de compliments, comparaisons défavorables, discours intérieur négatif.
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Pourquoi l’enfant TDAH est-il particulièrement vulnérable ?
L’accumulation des échecs
L’enfant TDAH vit plus d’échecs que ses pairs neurotypiques :
- Échecs scolaires (notes, comportement, devoirs)
- Échecs sociaux (conflits, rejets, maladresses)
- Échecs dans les activités (sport, musique, loisirs)
- Échecs quotidiens (oublis, pertes, erreurs)
Chaque échec est une micro-blessure à l’estime de soi. L’accumulation crée une image de soi globalement négative.
Le flot de feedbacks négatifs
Comme nous l’avons vu dans d’autres articles, l’enfant TDAH reçoit jusqu’à 20 000 messages négatifs de plus que ses pairs avant l’âge de 10 ans :
« Arrête de bouger », « Concentre-toi », « Tu as encore oublié », « Pourquoi tu ne peux pas faire comme les autres ? », « C’est pas compliqué pourtant », « Tu pourrais si tu voulais »…
Ces messages, même bien intentionnés, construisent une image de soi défaillante : « je suis celui qui fait mal, qui dérange, qui déçoit ».
La comparaison permanente
L’enfant TDAH est constamment comparé aux autres — par les adultes, par ses pairs, et surtout par lui-même :
Par les adultes : « Regarde ton frère, lui il y arrive », « Les autres élèves n’ont pas ce problème »
Par les pairs : « T’es nul », « Pourquoi tu fais n’importe quoi ? », « On te veut pas dans notre équipe »
Par lui-même : l’enfant voit bien qu’il est différent, qu’il n’arrive pas à faire ce que les autres font naturellement
La conscience douloureuse de sa différence
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’enfant TDAH est souvent très conscient de ses difficultés. Il sait qu’il « devrait » pouvoir se concentrer, rester assis, ne pas couper la parole. Il essaie, échoue, et ne comprend pas pourquoi.
Cette conscience sans compréhension est particulièrement douloureuse : « Je sais ce que je devrais faire, je n’y arrive pas, donc je dois être nul / paresseux / idiot. »
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Les signes d’une estime de soi fragilisée
Signes verbaux
Écoutez les phrases que votre enfant prononce sur lui-même :
Auto-dévalorisation : « Je suis nul », « Je suis bête », « Je n’y arriverai jamais », « Je suis le pire »
Anticipation de l’échec : « Ça sert à rien d’essayer », « Je vais rater de toute façon », « Je ne suis pas capable »
Comparaison négative : « Tout le monde est meilleur que moi », « Je suis le seul à ne pas y arriver »
Généralisation : « Je suis NUL » (globalisation d’un échec spécifique à l’identité entière)
Signes comportementaux
Évitement des défis : l’enfant refuse de participer aux activités où il risque d’échouer.
Abandon prématuré : il abandonne dès la première difficulté (« si j’échoue, c’est que je suis nul, donc autant ne pas essayer »).
Agressivité défensive : il attaque avant d’être attaqué, se moque des autres pour ne pas être moqué.
Clown de la classe : il fait le pitre pour contrôler le regard des autres (« ils rient avec moi, pas de moi »).
Perfectionnisme paralysant : paradoxalement, certains enfants développent un perfectionnisme excessif pour compenser leur sentiment d’insuffisance.
Signes émotionnels
Sensibilité extrême aux critiques : la moindre remarque est vécue comme une confirmation de sa nullité.
Effondrement après l’échec : un échec, même mineur, peut déclencher un désespoir disproportionné.
Anxiété de performance : peur intense d’être évalué, de montrer son travail, de se tromper devant les autres.
Symptômes dépressifs : tristesse chronique, perte d’intérêt, repli sur soi, parfois idées noires.
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Les conséquences d’une faible estime de soi
Sur la motivation
Un enfant qui ne croit pas en ses capacités ne voit pas l’intérêt de faire des efforts :
« Pourquoi essayer si je vais échouer de toute façon ? »
Cette prophétie auto-réalisatrice crée un cercle vicieux : pas d’effort → échec → confirmation de l’incompétence → encore moins d’effort.
Sur les apprentissages
L’estime de soi influence directement la capacité d’apprentissage :
- Un enfant qui a peur d’échouer n’ose pas prendre de risques cognitifs
- La honte et l’anxiété consomment des ressources attentionnelles
- L’évitement empêche la pratique nécessaire à la progression
Sur les relations sociales
Une faible estime de soi affecte les relations :
- Difficulté à s’affirmer (se laisse marcher dessus ou au contraire, devient agressif)
- Interprétation négative des interactions (« il m’a regardé bizarrement, il me déteste »)
- Difficulté à créer et maintenir des amitiés
- Vulnérabilité au harcèlement
Sur la santé mentale à long terme
Une estime de soi durablement fragilisée dans l’enfance est un facteur de risque pour :
- L’anxiété
- La dépression
- Les conduites à risque à l’adolescence
- Les troubles du comportement
- Les difficultés relationnelles à l’âge adulte
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Stratégies pour construire l’estime de soi
Principe n°1 : Séparer l’enfant de ses comportements
L’enfant doit comprendre que ses difficultés ne définissent pas qui il est :
Évitez : « Tu es insupportable », « Tu es paresseux », « Tu es méchant »
Préférez : « Ce comportement n’est pas acceptable », « Tu as fait quelque chose de difficile pour moi », « Cette action a blessé ton frère »
La différence est subtile mais fondamentale : le comportement peut être critiqué ; l’identité doit être préservée.
Principe n°2 : Équilibrer les feedbacks
Rappelez-vous le ratio 5:1 : pour chaque remarque négative, visez au moins cinq retours positifs.
Remarquez les réussites : même petites, même imparfaites. « Tu as réussi à rester concentré pendant 10 minutes, bravo ! »
Valorisez les efforts : pas seulement les résultats. « Je vois que tu as vraiment essayé, même si c’était difficile. »
Soyez spécifiques : « Tu as bien rangé tes affaires » plutôt que « tu es sage » (qui peut être invalidé par la prochaine bêtise).
Surprenez-le en flagrant délit de bien : ne commentez pas que les erreurs.
Principe n°3 : Aider à identifier ses forces
Chaque enfant, y compris TDAH, a des forces. Aidez-le à les identifier :
Forces possibles liées au TDAH :
- Créativité
- Énergie
- Enthousiasme
- Pensée originale
- Capacité à hyperfocaliser sur ses passions
- Empathie
- Sens de l’humour
- Spontanéité
- Résistance à l’adversité (il en surmonte tous les jours !)
Activités pour identifier les forces :
- Lister ensemble 10 choses qu’il fait bien
- Demander aux proches de nommer une qualité
- Observer dans quels domaines il excelle naturellement
Principe n°4 : Créer des opportunités de réussite
Mettez votre enfant en situation de réussir :
Activités adaptées à ses forces : s’il a besoin de bouger, le sport ; s’il est créatif, l’art ; s’il a des passions, des activités liées.
Défis calibrés : ni trop faciles (ennui) ni trop difficiles (échec). La zone de « challenge accessible » permet de progresser tout en réussissant.
Responsabilités valorisantes : lui confier des tâches où il peut briller (aider à préparer le repas, s’occuper de l’animal, etc.).
Principe n°5 : Enseigner un discours intérieur positif
Aidez votre enfant à transformer son dialogue intérieur :
Identifiez les pensées négatives : « Quand tu te dis ‘je suis nul’, est-ce vraiment vrai ? »
Proposez des alternatives : au lieu de « je suis nul », « c’était difficile et je n’ai pas réussi cette fois » ; au lieu de « je n’y arriverai jamais », « je n’y arrive pas encore ».
Modelez : verbalisez votre propre discours intérieur positif devant lui (« J’ai fait une erreur, ce n’est pas grave, j’apprends »).
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Parler du TDAH à son enfant
Pourquoi expliquer le TDAH
Un enfant qui ne comprend pas son TDAH attribue ses difficultés à des défauts personnels : « Je suis bête », « Je suis paresseux », « Je suis méchant ».
Expliquer le TDAH permet de :
- Comprendre que les difficultés ont une cause neurologique
- Déculpabiliser (« ce n’est pas ma faute »)
- Identifier des stratégies adaptées
- Se sentir moins seul (« d’autres enfants vivent la même chose »)
Comment expliquer le TDAH
Adaptez l’explication à l’âge de l’enfant :
Pour les petits (5-7 ans) : « Ton cerveau fonctionne un peu différemment. Il a besoin de plus de mouvement et il a du mal à rester concentré sur les choses ennuyeuses. Ce n’est pas ta faute, et on va trouver des astuces pour t’aider. »
Pour les plus grands (8-12 ans) : « Tu as ce qu’on appelle un TDAH. Ça veut dire que certaines parties de ton cerveau fonctionnent différemment. C’est pour ça que c’est difficile de rester assis et concentré. Ce n’est pas une maladie, c’est une différence. Beaucoup de gens célèbres ont un TDAH. »
Pour les adolescents : des explications plus détaillées sur la neurobiologie peuvent être appropriées, ainsi que des échanges sur le vécu et l’impact du TDAH.
Ce qu’il faut éviter
Ne pas faire du TDAH une excuse universelle : « Ce n’est pas parce que tu as un TDAH que tu peux frapper ton frère. »
Ne pas limiter l’identité au TDAH : l’enfant est bien plus que son TDAH. C’est une caractéristique parmi d’autres.
Ne pas dramatiser : le TDAH pose des défis, mais ce n’est pas une condamnation. Beaucoup de personnes TDAH réussissent brillamment.
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Les outils pour renforcer l’estime de soi
Le journal des réussites
Chaque soir, aidez votre enfant à noter 3 choses qu’il a bien faites dans la journée. Avec le temps, ce journal devient une « preuve » tangible de ses compétences.
Le bocal des qualités
Demandez aux membres de la famille et aux proches d’écrire sur des papiers les qualités qu’ils voient chez l’enfant. Placez ces papiers dans un bocal. L’enfant peut les lire quand il doute de lui-même.
Les applications d’entraînement cognitif
Les applications comme COCO PENSE et COCO BOUGE de DYNSEO sont conçues pour permettre des expériences de réussite régulières :
- Progression adaptée au niveau de l’enfant
- Feedback positif immédiat
- Célébration des progrès
- Pas de comparaison avec les autres joueurs
- Consignes audio adaptées qui évitent l’échec frustrant
Pour les adolescents et adultes, JOE, le coach cérébral offre la même approche bienveillante et valorisante.
Les activités extra-scolaires valorisantes
Trouvez une activité où votre enfant peut exceller — pas malgré son TDAH, mais grâce à lui :
- Sports où l’énergie est un atout
- Arts où la créativité s’exprime
- Activités liées à ses passions (hyperfocus comme force)
- Engagements où son enthousiasme est apprécié
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Se former pour mieux accompagner l’estime de soi
L’importance d’une approche globale
Construire l’estime de soi n’est pas une technique isolée — c’est une attitude globale qui imprègne toutes les interactions. Une formation permet d’intégrer cette approche à l’ensemble de l’accompagnement.
Les formations DYNSEO
La formation « Accompagner un enfant avec TDAH : clés et solutions au quotidien » aborde la construction de l’estime de soi comme fil rouge de l’accompagnement.
La formation « Enfant TDAH à la maison : stratégies avancées pour gérer l’impulsivité et l’opposition » propose des stratégies pour maintenir une relation positive même dans les moments difficiles.
Pour les professionnels, la formation « TDAH : stratégies avancées pour gérer impulsivité et opposition » intègre la dimension de l’estime de soi dans l’approche thérapeutique et éducative.
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Conclusion : votre regard façonne son estime de soi
L’estime de soi de votre enfant se construit en grande partie à travers votre regard. Ce que vous voyez en lui, ce que vous lui dites, ce que vous attendez de lui — tout cela façonne l’image qu’il a de lui-même.
Si vous voyez un enfant difficile, il se verra comme difficile. Si vous voyez un enfant aux prises avec des défis neurologiques mais plein de potentiel, il se verra comme quelqu’un qui peut réussir malgré les obstacles.
Votre mission n’est pas de le protéger de tout échec — c’est impossible et ce serait contre-productif. Votre mission est de l’aider à construire une image de soi suffisamment solide pour encaisser les échecs inévitables sans s’effondrer.
Cela demande de la vigilance : repérer les moments où il se dévalorise, contrebalancer les feedbacks négatifs, créer des opportunités de réussite, lui apprendre à se voir avec bienveillance.
C’est un investissement sur le long terme. Une estime de soi solide construite dans l’enfance le protégera tout au long de sa vie — bien plus que n’importe quelle technique de gestion des comportements.
Et rappelez-vous : votre enfant vous observe. La façon dont vous vous traitez vous-même, dont vous parlez de vos propres erreurs, dont vous vous valorisez ou vous dévalorisez — tout cela lui sert de modèle.
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Cet article fait partie d’une série consacrée à l’accompagnement des enfants TDAH à la maison. Découvrez nos autres articles sur le blog DYNSEO et nos formations et applications pour un accompagnement complet.


