Introduction : Un Changement de Paradigme en Cours
Longtemps considérés comme des symptômes à “traiter” par des médicaments, les troubles du comportement associés aux maladies neurodégénératives font aujourd’hui l’objet d’une approche radicalement différente. Les recommandations nationales et internationales sont unanimes : les approches non médicamenteuses doivent constituer la première ligne d’intervention, le recours aux psychotropes ne devant être envisagé qu’en cas d’échec ou d’insuffisance de ces approches, et pour les situations les plus sévères.
Ce changement de paradigme n’est pas qu’une évolution théorique. Il repose sur des preuves scientifiques de plus en plus solides démontrant à la fois l’efficacité de nombreuses interventions non médicamenteuses et les limites, voire les dangers, de l’approche médicamenteuse systématique chez les personnes âgées fragiles.
En ce début d’année 2025, où en sommes-nous ? Quelles sont les approches validées, celles qui émergent, celles qui nécessitent encore des recherches ? Cet article propose un état des lieux complet et actualisé des approches non médicamenteuses des troubles du comportement, pour guider les professionnels et les familles dans leurs choix d’accompagnement.
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Pourquoi Privilégier les Approches Non Médicamenteuses ?
Les limites des traitements médicamenteux
Les médicaments psychotropes utilisés dans les troubles du comportement des personnes âgées présentent des limites importantes.
Une efficacité modeste : Les études cliniques montrent que l’efficacité des antipsychotiques sur les symptômes comportementaux des démences est statistiquement significative mais cliniquement modeste. La différence entre le médicament et le placebo est souvent faible.
Des effets secondaires significatifs : Sédation excessive, chutes, syndrome parkinsonien, troubles de la déglutition, accidents vasculaires cérébraux, augmentation de la mortalité… La liste des effets indésirables est longue et préoccupante dans cette population vulnérable.
Un rapport bénéfice/risque défavorable : En 2025, les agences sanitaires maintiennent leurs alertes sur l’utilisation des antipsychotiques chez les personnes âgées démentes, en raison d’un risque de mortalité accru de 60% à 70%.
L’absence de traitement de fond : Les médicaments ne s’attaquent pas aux causes des troubles du comportement mais seulement à leurs manifestations. Ils n’apportent pas de solution durable.
Les atouts des approches non médicamenteuses
À l’inverse, les approches non médicamenteuses présentent des avantages considérables.
Une approche centrée sur la personne : Plutôt que de supprimer un symptôme, elles cherchent à comprendre les causes du comportement et à y répondre de manière adaptée.
L’absence d’effets secondaires majeurs : Bien menées, ces approches ne présentent pas de risques significatifs pour la santé.
Des effets souvent durables : En modifiant l’environnement, les pratiques de soin ou les modes de communication, on agit sur les facteurs qui maintiennent les troubles.
Une amélioration globale de la qualité de vie : Au-delà de la réduction des troubles comportementaux, ces approches contribuent souvent au bien-être général de la personne.
Un bénéfice pour l’entourage : Les équipes soignantes et les familles formées à ces approches rapportent une amélioration de leur propre qualité de vie professionnelle ou personnelle.
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Les Approches Relationnelles : Le Cœur du Dispositif
La Validation selon Naomi Feil
Développée dans les années 1980, la méthode de Validation de Naomi Feil reste en 2025 une référence majeure. Elle propose d’entrer dans le monde émotionnel de la personne désorientée plutôt que de la confronter à une réalité qu’elle ne peut plus intégrer.
Les principes clés incluent l’acceptation inconditionnelle du vécu de la personne, la validation des émotions plutôt que des faits, l’utilisation de techniques spécifiques (reformulation, questions ouvertes, toucher, contact visuel), et le respect du stade de désorientation de la personne.
Les études montrent une efficacité de la Validation sur l’agitation, l’anxiété et les comportements perturbateurs, ainsi qu’une amélioration du bien-être émotionnel des personnes accompagnées.
L’approche Humanitude
Développée en France par Yves Gineste et Rosette Marescotti, l’Humanitude est une philosophie de soin qui place la relation au cœur de l’accompagnement. Elle repose sur quatre piliers : le regard, la parole, le toucher et la verticalité.
En 2025, l’Humanitude s’est largement diffusée dans les établissements français et internationaux. Les études montrent une réduction significative des comportements d’agitation et de résistance aux soins, une diminution du recours aux contentions et aux psychotropes, ainsi qu’une amélioration de la satisfaction des équipes soignantes.
L’approche Montessori adaptée
Initialement conçue pour l’éducation des enfants, la méthode Montessori a été adaptée aux personnes âgées présentant des troubles cognitifs par le Dr Cameron Camp. Elle propose des activités signifiantes qui s’appuient sur les capacités préservées.
Les principes fondamentaux sont le respect du rythme et des choix de la personne, la proposition d’activités ayant un sens et un but, l’adaptation des tâches aux capacités restantes, et l’environnement préparé pour favoriser l’autonomie.
Cette approche est particulièrement efficace contre l’apathie et peut réduire les comportements perturbateurs en donnant un sentiment d’utilité et de contrôle.
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Les Approches Sensorielles : Stimuler pour Apaiser
La musicothérapie
La musicothérapie est l’une des approches non médicamenteuses les mieux étudiées et les plus efficaces dans les troubles du comportement liés aux démences.
Les méta-analyses récentes confirment un effet significatif sur l’agitation, l’anxiété, les symptômes dépressifs, ainsi qu’une amélioration des interactions sociales et de la qualité de vie. La musique personnalisée (basée sur les préférences de la personne) semble plus efficace que la musique générique.
Les protocoles validés incluent l’écoute musicale individualisée, la musicothérapie active (chant, percussion), et les séances de groupe animées par un musicothérapeute.
L’aromathérapie
L’utilisation des huiles essentielles dans l’accompagnement des troubles du comportement se développe, avec des preuves d’efficacité croissantes.
Les huiles les plus étudiées sont la lavande vraie (Lavandula angustifolia) pour ses propriétés relaxantes, la mélisse (Melissa officinalis) pour l’agitation et l’anxiété, et le romarin pour la stimulation cognitive.
Les études montrent des effets modestes mais significatifs sur l’agitation, avec l’avantage d’une bonne tolérance. Les précautions d’emploi (dilution, modes d’administration) doivent être respectées.
La luminothérapie
La lumière joue un rôle central dans la régulation des rythmes circadiens, souvent perturbés dans les démences. La luminothérapie consiste à exposer la personne à une lumière vive (2500 à 10000 lux) pendant 30 minutes à 2 heures, généralement le matin.
Les études montrent une efficacité sur les troubles du sommeil, l’agitation nocturne, le syndrome crépusculaire (sundowning), et potentiellement sur les symptômes dépressifs.
En 2025, des systèmes de “lumière dynamique” se développent dans les institutions, reproduisant les variations naturelles de la lumière au cours de la journée.
L’approche Snoezelen
Les espaces Snoezelen (contraction de “snuffelen” : renifler, et “doezelen” : somnoler en néerlandais) proposent une stimulation multisensorielle contrôlée dans un environnement apaisant.
Les éléments typiques incluent des colonnes à bulles, des fibres optiques lumineuses, des projecteurs d’images, des diffuseurs d’arômes, des surfaces tactiles variées, et une musique douce.
Les études montrent une réduction de l’agitation et des comportements perturbateurs pendant et après les séances, ainsi qu’une amélioration du bien-être émotionnel. L’effet semble cependant temporaire et nécessite des séances régulières.
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Les Approches par le Milieu : L’Environnement comme Soin
Le jardin thérapeutique
L’accès à un espace extérieur naturel présente des bénéfices multiples pour les personnes présentant des troubles du comportement.
Les effets documentés incluent une réduction de l’agitation et des comportements perturbateurs, une amélioration du sommeil, une diminution du stress (baisse du cortisol), et un sentiment de liberté et de bien-être.
Les caractéristiques d’un jardin thérapeutique efficace comprennent un circuit de déambulation sécurisé sans impasse, des espaces variés (ombre/soleil, bancs, pergolas), des éléments sensoriels (plantes odorantes, fontaine), et des activités possibles (jardinage adapté).
L’aménagement architectural
L’architecture et l’aménagement des espaces de vie influencent significativement les comportements.
Les principes recommandés en 2025 sont la création d’espaces à taille humaine (petites unités), une signalétique claire et adaptée, un éclairage naturel optimisé, des couleurs apaisantes et contrastées pour les repères, la réduction des stimulations excessives (bruit, agitation), et la personnalisation des espaces individuels.
La réduction des contentions
La politique de réduction des contentions (physiques et chimiques) fait partie intégrante des approches non médicamenteuses. Elle nécessite une réflexion sur l’environnement, les pratiques de soin et les alternatives possibles.
Les établissements engagés dans cette démarche rapportent généralement une diminution paradoxale des chutes et des troubles du comportement, contrairement aux craintes initiales.
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Les Approches par l’Activité : Donner du Sens
La réminiscence thérapeutique
La thérapie par réminiscence utilise les souvenirs du passé pour améliorer le bien-être présent. Elle s’appuie sur la relative préservation de la mémoire ancienne dans les démences.
Les supports utilisés incluent les photos et albums de famille, les objets du passé, la musique d’époque, les vidéos et films anciens, et les discussions sur l’histoire de vie.
Les études montrent des effets positifs sur l’humeur, les interactions sociales, et potentiellement sur certains troubles du comportement. L’approche nécessite une connaissance de l’histoire de vie de la personne.
L’art-thérapie
L’art-thérapie propose des activités de création artistique (peinture, dessin, modelage, collage) encadrées par un professionnel formé.
Les bénéfices observés sont l’expression émotionnelle par un canal non verbal, la valorisation et le sentiment d’accomplissement, la réduction de l’anxiété et de l’agitation, ainsi que le maintien des capacités motrices fines.
Les activités physiques adaptées
L’activité physique présente des bénéfices multiples chez les personnes atteintes de troubles cognitifs : maintien de l’autonomie fonctionnelle, amélioration du sommeil, réduction de l’agitation, possible effet neuroprotecteur.
Les activités adaptées incluent la marche accompagnée, la gymnastique douce, le tai-chi adapté, la danse assise, et les parcours moteurs.
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Les Approches Impliquant le Vivant
La médiation animale
La présence d’animaux auprès des personnes âgées en institution montre des effets bénéfiques sur le bien-être et les comportements.
Les modalités incluent les animaux résidents (chats, oiseaux, poissons), les visites régulières de chiens formés, et les fermes pédagogiques mobiles.
Les études montrent une réduction de l’agitation, une amélioration des interactions sociales, et une diminution des symptômes dépressifs. Les précautions d’hygiène et le respect des préférences (certaines personnes n’aiment pas les animaux) sont essentiels.
La présence de robots sociaux
Une nouveauté de ces dernières années : les robots sociaux comme PARO (robot-phoque) ou les robots compagnons montrent une efficacité comparable aux animaux vivants sur certains paramètres, avec des avantages pratiques (pas d’allergies, pas de soins nécessaires).
Les études récentes confirment un effet sur l’agitation et l’apathie, ainsi qu’une amélioration des interactions sociales. Le débat éthique sur leur utilisation reste ouvert.
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Les Approches Corporelles
Le toucher-massage
Le toucher relationnel et le massage adapté aux personnes âgées peuvent avoir un effet apaisant significatif.
Les techniques utilisées sont le massage des mains, le massage du visage, le toucher-détente des pieds, et les effleurages apaisants.
Les études montrent une réduction de l’agitation, une amélioration de la relation soignant-soigné, et une possible diminution de la douleur. La formation des professionnels est indispensable.
L’activité physique structurée
Au-delà des activités ponctuelles, des programmes d’exercices structurés montrent des bénéfices sur les troubles du comportement.
Les programmes validés incluent des exercices d’équilibre et de force, des activités d’endurance adaptées, et des programmes combinés (moteur + cognitif).
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La Stimulation Cognitive : Maintenir les Capacités
Les programmes de stimulation cognitive
La stimulation cognitive régulière contribue au maintien des fonctions préservées et peut avoir un effet indirect sur les troubles du comportement en réduisant la frustration et l’apathie.
DYNSEO a développé des programmes spécifiquement conçus pour les personnes atteintes de troubles cognitifs.
Le programme EDITH propose des jeux de mémoire et d’entraînement cognitif adaptés aux seniors atteints de maladies comme Alzheimer ou Parkinson. Les activités sont conçues pour être réussies, évitant la mise en échec source de frustration.
Le programme JOE s’adresse aux adultes et propose des exercices cognitifs variés pour maintenir les fonctions cérébrales et contribuer au bien-être mental.
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Mise en Œuvre : Les Conditions du Succès
La formation des professionnels
Le succès des approches non médicamenteuses repose en grande partie sur la formation des équipes. Comprendre les mécanismes des troubles du comportement, maîtriser les techniques d’intervention, savoir observer et analyser les situations : autant de compétences qui s’acquièrent.
DYNSEO propose une formation complète sur les troubles du comportement liés à la maladie, abordant les différentes approches non médicamenteuses et leur mise en œuvre pratique.

Accéder à la formation pour les professionnels
L’accompagnement des familles
Les familles sont des partenaires essentiels de l’accompagnement. Les informer sur les approches non médicamenteuses, les former aux techniques de communication adaptée, les impliquer dans le projet de soins contribue à la cohérence et à l’efficacité de la prise en charge.
DYNSEO propose une formation spécifique pour les familles confrontées aux changements de comportement de leur proche.

Accéder à la formation pour les familles
L’approche personnalisée
Il n’existe pas d’approche universelle efficace pour tous. Le choix des interventions doit être personnalisé en fonction des préférences de la personne et de son histoire de vie, du type de trouble du comportement présenté, du stade de la maladie, des ressources disponibles, et de l’évaluation continue des effets.
L’évaluation continue
Les interventions non médicamenteuses doivent être évaluées régulièrement pour mesurer leur efficacité et les ajuster si nécessaire. Des outils simples (échelles d’agitation, observation structurée) permettent ce suivi.
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Les Perspectives pour 2025 et Au-delà
Les nouvelles technologies
La réalité virtuelle commence à être explorée pour ses effets apaisants (immersion dans des environnements naturels) et sa capacité à stimuler les souvenirs.
L’intelligence artificielle pourrait permettre une personnalisation accrue des interventions en analysant les données comportementales.
Les objets connectés facilitent le suivi des comportements et l’adaptation en temps réel des interventions.
L’évolution des recommandations
Les recommandations officielles (HAS, sociétés savantes) continuent d’évoluer vers une place toujours plus centrale des approches non médicamenteuses, avec des exigences croissantes de formation des professionnels.
Les défis restants
Malgré les progrès, des défis persistent : le financement des formations et des interventions, le manque de temps des équipes soignantes, la difficulté à généraliser les approches au-delà des établissements pionniers, et le besoin de recherches complémentaires pour certaines approches.
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Conclusion : Un Nouvel Art du Soin
L’état des lieux 2025 des approches non médicamenteuses des troubles du comportement révèle un champ en pleine maturation. De nombreuses approches ont fait la preuve de leur efficacité et sont aujourd’hui recommandées en première intention.
Ce qui se dessine, c’est un nouvel art du soin, centré sur la personne et non sur le symptôme, qui mobilise la créativité et l’humanité des soignants autant que leurs compétences techniques.
Former les professionnels, accompagner les familles, développer des environnements adaptés, proposer des activités signifiantes : autant de leviers qui, combinés, permettent d’améliorer significativement la qualité de vie des personnes présentant des troubles du comportement et de leur entourage.
Ressources DYNSEO :
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Cet article a été rédigé par l’équipe DYNSEO, spécialiste de l’accompagnement cognitif et de la formation aux troubles du comportement.