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Alt text : Enseigner les codes sociaux aux enfants trisomiques
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Votre enfant entre dans la salle d’attente du médecin et lance un joyeux « Bonjour ! » à tous les patients présents, puis s’assoit sur les genoux d’une dame qu’il ne connaît pas parce qu’elle lui a souri. Une autre fois, il interrompt une conversation entre adultes pour parler de son sujet favori pendant dix minutes, sans percevoir les signaux d’impatience de ses interlocuteurs. Ces situations, vous les avez peut-être vécues avec votre enfant porteur de trisomie 21.
Ce qui se joue ici, ce n’est pas un manque de politesse ou une volonté de mal faire. C’est une difficulté à percevoir et à appliquer les codes sociaux implicites, ces règles non écrites qui régissent nos interactions quotidiennes. Pour la plupart des enfants, ces codes s’acquièrent naturellement, par observation et imitation. Pour votre enfant, ils devront être enseignés explicitement, avec patience et méthode.
Qu’est-ce que les codes sociaux implicites ?
L’invisible qui régit nos interactions
Les codes sociaux implicites sont partout. Ils dictent à quelle distance nous nous tenons des autres selon notre degré de familiarité. Ils déterminent quels sujets de conversation sont appropriés selon le contexte. Ils indiquent quand il est temps de mettre fin à un échange. Ils précisent comment adapter notre ton de voix à la situation.
Ces règles ne sont écrites nulle part. Elles varient selon les cultures, les contextes, les époques. Et pourtant, la plupart des gens les appliquent sans même y penser, parce qu’ils les ont absorbées depuis l’enfance en observant leur environnement social.
Des exemples concrets de codes implicites
Pour mieux comprendre ce que votre enfant doit apprendre, voici quelques exemples de codes sociaux que nous appliquons sans y réfléchir :
La distance physique varie selon l’interlocuteur : on se tient plus près d’un ami que d’un inconnu, plus près d’un enfant que d’un adulte qu’on ne connaît pas. Le contact physique suit les mêmes règles : on peut faire un câlin à un proche, mais on se contente d’une poignée de main avec une connaissance.
Le regard obéit à des conventions : regarder quelqu’un dans les yeux montre l’attention, mais un regard trop fixe devient gênant. On ne fixe pas les inconnus dans les transports en commun. On regarde la personne qui parle dans une conversation.
La conversation a ses règles : on attend son tour pour parler, on ne coupe pas la parole, on adapte la durée de son intervention à l’intérêt de l’interlocuteur, on change de sujet quand l’autre semble s’ennuyer.
Les sujets de conversation sont hiérarchisés : certains sont acceptables avec tout le monde, d’autres sont réservés aux proches, d’autres encore sont tabous en société.
Pourquoi ces codes échappent aux enfants porteurs de trisomie 21
Un apprentissage qui ne se fait pas par osmose
La plupart des enfants apprennent les codes sociaux de manière incidente, simplement en observant les interactions autour d’eux. Leur cerveau capte, analyse et intègre ces informations sans effort conscient. Vers 3-4 ans, un enfant au développement typique a déjà intériorisé un grand nombre de ces règles implicites.
Pour votre enfant porteur de trisomie 21, ce processus d’apprentissage incident fonctionne différemment. Les informations sociales subtiles peuvent lui échapper. Le lien entre une situation et la règle qui s’y applique peut ne pas se faire automatiquement. La généralisation d’une règle apprise dans un contexte à d’autres contextes peut être difficile.
Le défi de l’implicite
Le mot « implicite » est clé ici. Ces règles ne sont jamais formulées clairement. Personne ne dit à un enfant : « Quand tu parles à un adulte que tu ne connais pas, reste à environ 60 centimètres de lui, ne le touche pas, parle d’une voix modérée, et limite ton intervention à deux ou trois phrases ». Pourtant, c’est exactement ce qu’on attend de lui.
Votre enfant, lui, a besoin que ces règles soient rendues explicites. Ce qui est évident pour les autres ne l’est pas pour lui. Ce n’est pas un déficit, c’est simplement un mode d’apprentissage différent qui nécessite une pédagogie adaptée.
Le temps de traitement de l’information sociale
Les interactions sociales se déroulent rapidement. Les expressions faciales changent en une fraction de seconde. Le ton de voix se modifie subtilement. Les indices qui signalent l’ennui, l’impatience ou le malaise d’un interlocuteur sont fugaces.
Votre enfant peut avoir besoin de plus de temps pour percevoir et interpréter ces indices. Or, dans le flux rapide d’une interaction, ce temps supplémentaire n’est pas disponible. Résultat : l’indice est manqué, et votre enfant continue un comportement devenu inapproprié sans s’en rendre compte.
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Comment enseigner explicitement les codes sociaux
Le principe fondamental : transformer l’implicite en explicite
Votre mission est de prendre ces règles invisibles et de les rendre visibles, concrètes, enseignables. Cela demande d’abord un travail d’observation de votre part : quels codes sociaux votre enfant ne maîtrise-t-il pas encore ? Quelles situations posent problème ?
Ensuite, il s’agit de formuler ces règles de manière claire et concrète. Évitez les formulations vagues comme « sois poli » ou « comporte-toi bien ». Préférez des consignes précises : « Quand tu rencontres quelqu’un, tu dis bonjour, tu souris, et tu attends qu’il te parle ».
La méthode des règles visuelles
Les supports visuels sont particulièrement efficaces pour enseigner les codes sociaux aux enfants porteurs de trisomie 21. Créez des fiches illustrant les comportements attendus dans différentes situations : à table, dans une salle d’attente, quand on rencontre quelqu’un, quand on veut jouer avec un autre enfant.
Ces fiches peuvent prendre la forme de séquences d’images montrant les étapes d’une interaction réussie, ou de pictogrammes rappelant les règles clés d’une situation donnée.
Les scénarios sociaux
Les scénarios sociaux sont des histoires courtes qui décrivent une situation sociale et le comportement approprié à adopter. Écrits du point de vue de l’enfant, ils expliquent ce qui se passe, ce que les autres ressentent, et ce que l’enfant peut faire.
Par exemple : « Quand je vais chez le médecin, il y a d’autres personnes dans la salle d’attente. Ces personnes ne me connaissent pas. Je peux dire bonjour en entrant, puis je m’assois sur une chaise libre. Je reste assis tranquillement jusqu’à ce qu’on m’appelle. Les autres personnes sont contentes quand c’est calme dans la salle d’attente. »
Les jeux de rôle et mises en situation
Rien ne remplace la pratique. Les jeux de rôle permettent à votre enfant de s’entraîner aux interactions sociales dans un cadre sécurisé où l’erreur est permise et où vous pouvez le guider.
Jouez différentes situations avec lui : rencontrer un camarade au parc, demander quelque chose à un commerçant, entrer dans une pièce où il y a des gens, participer à une conversation. Variez les scénarios pour l’aider à généraliser les apprentissages.

L’application COCO PENSE & COCO BOUGE propose des jeux de rôle et des activités pour développer les compétences sociales de manière ludique.
La répétition et la généralisation
Une règle sociale apprise dans un contexte ne se transfère pas automatiquement à d’autres contextes. Votre enfant peut très bien savoir qu’il faut dire bonjour quand il arrive chez mamie, mais ne pas appliquer cette règle quand il entre dans un magasin.
C’est pourquoi la répétition dans des contextes variés est essentielle. Rappelez les règles avant chaque nouvelle situation. Pratiquez les mêmes compétences dans différents environnements. Soyez patient : la généralisation prend du temps.
Les codes sociaux par domaine
La distance physique et le contact
Enseignez à votre enfant la règle du « bras tendu » : avec les personnes qu’on ne connaît pas bien, on reste à une distance d’un bras tendu. Avec les proches, on peut être plus près. Pratiquez cette règle dans différentes situations.
Pour le contact physique, établissez des catégories claires : les câlins sont réservés à la famille et aux amis très proches, la poignée de main aux autres adultes, le simple salut verbal aux inconnus.
La conversation
Travaillez le tour de parole : on parle, puis on écoute. Utilisez un objet symbolique (un bâton de parole) pour matérialiser qui a le droit de parler. Enseignez les signaux qui indiquent que l’autre veut parler : il ouvre la bouche, il lève la main, il se penche en avant.
Apprenez à votre enfant à repérer les signes de désintérêt de son interlocuteur : le regard qui s’évade, les réponses courtes, les changements de sujet. Ces signaux sont difficiles à percevoir, mais avec de l’entraînement et des rappels, votre enfant peut progresser.
Les émotions et expressions faciales
La compréhension des expressions faciales est fondamentale pour percevoir les codes sociaux. Utilisez des photos, des pictogrammes, des miroirs pour aider votre enfant à reconnaître les émotions de base sur un visage.
Le jeu « Mime une émotion » de l’application COCO PENSE & COCO BOUGE est un excellent outil pour travailler cette compétence de manière ludique.
Les contextes et leurs règles spécifiques
Chaque lieu a ses règles : on peut courir dans un parc mais pas dans un musée, on parle fort dehors mais pas dans une bibliothèque, on peut manger avec les doigts à un pique-nique mais pas au restaurant.
Préparez votre enfant avant chaque sortie en rappelant les règles spécifiques du lieu. Utilisez des supports visuels si nécessaire. Après la sortie, faites un bilan : qu’est-ce qui s’est bien passé ? Qu’est-ce qui pourrait être amélioré ?
Conclusion : un apprentissage de longue haleine qui porte ses fruits
L’enseignement des codes sociaux à votre enfant porteur de trisomie 21 demande du temps, de la patience et de la créativité. Il n’y a pas de solution miracle ni de progression linéaire. Certains jours, vous aurez l’impression que votre enfant a tout oublié. D’autres jours, vous serez émerveillé par ses progrès.
Ce qui compte, c’est la constance de votre accompagnement. Chaque règle enseignée, chaque situation préparée, chaque jeu de rôle pratiqué ajoute une brique à l’édifice des compétences sociales de votre enfant. Avec le temps, ces apprentissages s’accumulent et se consolident.
Et rappelez-vous : votre enfant n’a pas besoin de maîtriser parfaitement tous les codes sociaux pour être heureux et avoir des relations épanouissantes. L’objectif est de lui donner suffisamment d’outils pour naviguer le monde social avec plus d’aisance, pas de le transformer en expert des conventions sociales.
Ses forces relationnelles — sa chaleur, son authenticité, sa capacité d’affection — compenseront bien des maladresses. Ce que vous lui enseignez, c’est simplement le moyen de laisser ces qualités briller sans que des malentendus liés aux codes sociaux ne viennent les obscurcir.
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> 📚 Pour aller plus loin :
> – Trisomie 21 et apprentissages scolaires : stratégies pour accompagner son enfant
> – Accompagner le développement du langage chez l’enfant trisomique
