JOE en classe inclusive : adapter les exercices selon les profils cognitifs

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Dans chaque salle de classe se déploie un écosystème complexe, un paysage cognitif aussi varié que les visages qui le composent. L'idée d'un élève "standard", capable d'absorber et de restituer l'information d'une seule et même manière, est une illusion. La classe inclusive ne se contente pas d'accueillir la diversité ; elle la cultive. Au cœur de cette démarche se trouve une question fondamentale : comment faire en sorte que chaque élève, que nous appellerons "Joe", puisse non seulement accéder à l'exercice proposé, mais aussi y trouver un défi à sa mesure et une occasion de démontrer ses compétences ?

L'adaptation des exercices n'est pas un nivellement par le bas ni une simplification à outrance. C'est un travail d'orfèvre, une traduction pédagogique qui consiste à présenter le même objectif d'apprentissage à travers des prismes différents. Il s'agit de comprendre que si l'objectif est de traverser une rivière, certains élèves auront besoin d'un pont, d'autres d'une barque, et d'autres encore pourront nager. Votre rôle, en tant qu'enseignant, est de fournir les matériaux pour construire ce pont ou cette barque. Cet article se propose d'explorer des pistes concrètes pour adapter vos exercices en fonction des profils cognitifs de vos élèves.

Avant de parler d'adaptation, il est essentiel de changer de perspective. Un profil cognitif n'est pas une étiquette ou un diagnostic médical figé. C'est une description dynamique de la manière dont un élève perçoit, traite, mémorise et utilise l'information. Pensez à chaque élève comme ayant son propre système d'exploitation mental, avec ses forces et ses domaines nécessitant un soutien. Se concentrer sur le fonctionnement plutôt que sur le déficit est la première étape vers une différenciation efficace.

Les fonctions exécutives : le chef d'orchestre du cerveau

Les fonctions exécutives sont un ensemble de processus mentaux de haut niveau qui nous permettent de gérer nos pensées et nos actions pour atteindre un but. Elles sont le chef d'orchestre de notre cerveau. Quand ce chef d'orchestre est fatigué ou peine à coordonner ses musiciens, des difficultés apparaissent.

Un Joe avec des fonctions exécutives fragiles aura du mal à démarrer une tâche (initiation), à planifier les étapes d'un exercice complexe, à ignorer les distractions (inhibition) ou à changer de stratégie si la première ne fonctionne pas (flexibilité cognitive). Un simple exercice de rédaction peut alors devenir une montagne insurmontable, non pas par manque d'idées, mais par incapacité à les organiser et à les structurer sur le papier.

La mémoire de travail : une ardoise mentale à capacité variable

Imaginez la mémoire de travail comme une petite ardoise mentale sur laquelle vous notez les informations dont vous avez besoin pour accomplir une tâche immédiate. Par exemple, pour résoudre le calcul "17 x 3", vous devez retenir les chiffres, la consigne (multiplier) et les résultats intermédiaires (3 x 7 = 21, je retiens 2...). La taille de cette ardoise varie énormément d'une personne à l'autre.

Pour un Joe avec une mémoire de travail limitée, une consigne orale de trois étapes est déjà trop longue. Le temps qu'il traite la troisième partie, la première s'est déjà effacée de son ardoise. Il ne s'agit pas de mauvaise volonté, mais d'une saturation cognitive rapide. Il aura besoin que l'information soit découpée en plus petits morceaux ou qu'elle soit disponible sous une forme visuelle permanente (au tableau, sur une fiche).

Les troubles "dys" : des chemins de pensée différents

Les troubles d'apprentissage comme la dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie ou la dyspraxie ne sont pas des signes d'un manque d'intelligence. Ce sont des indications que le cerveau de l'élève est "câblé" différemment pour traiter certaines informations. Un élève dyslexique ne voit pas les lettres danser sur la page, mais son cerveau peine à automatiser la correspondance entre les sons (phonèmes) et les lettres (graphèmes). Cela rend la lecture lente, coûteuse en énergie et source d'erreurs, ce qui a un impact sur toutes les matières. De même, un élève dyspraxique peut avoir des idées brillantes mais lutter pour coordonner les gestes fins nécessaires à l'écriture manuscrite.

La différenciation pédagogique : une boîte à outils, pas une formule magique

La différenciation n'est pas une recette à appliquer uniformément, mais une posture professionnelle. C'est votre boîte à outils pédagogique qui vous permet de sculpter l'apprentissage pour qu'il s'ajuste à chaque élève. On peut différencier à trois niveaux principaux : le contenu, le processus et la production.

Adapter le contenu : le "quoi" de l'apprentissage

Adapter le contenu ne signifie pas changer l'objectif d'apprentissage. L'objectif reste le même pour tous, mais la manière d'y accéder peut varier.

Exemple en Histoire : L'objectif est de "comprendre les causes de la Révolution française".

  • Pour la majorité de la classe, le support sera le chapitre du manuel.
  • Pour Joe, qui a des difficultés de lecture importantes (dyslexie), vous pouvez proposer un texte simplifié utilisant un vocabulaire plus accessible et des phrases plus courtes. Une autre option est de lui fournir une version audio du chapitre ou un résumé sous forme de carte mentale.
  • Pour un autre Joe, très visuel, vous pourriez proposer une courte vidéo documentaire ou une bande dessinée historique sur le sujet.

L'objectif est atteint dans tous les cas, mais la porte d'entrée vers la connaissance a été adaptée.

Adapter le processus : le "comment" de l'apprentissage

Le processus concerne les activités que les élèves réalisent pour s'approprier le contenu. C'est ici que vous pouvez offrir le plus de flexibilité.

Exemple en Sciences : La classe doit réaliser une expérience sur la densité des liquides.

  • Certains élèves peuvent suivre le protocole écrit et travailler de manière autonome.
  • Pour Joe, qui a des difficultés avec les fonctions exécutives (planification, suivi des étapes), vous pouvez lui fournir un protocole sous forme de checklist visuelle avec des pictogrammes pour chaque étape. Travailler en binôme avec un pair plus organisé peut aussi être une aide précieuse.
  • Pour un Joe qui a besoin de bouger (profil TDAH), l'aspect pratique de la manipulation sera très bénéfique. Vous pouvez lui confier une tâche spécifique qui implique un mouvement, comme aller chercher le matériel.

Adapter la production : le "rendu" de l'apprentissage

La production est la manière dont l'élève va démontrer qu'il a compris et atteint l'objectif. La traditionnelle évaluation écrite n'est qu'une modalité parmi d'autres.

Exemple en Français : L'objectif est de "montrer sa compréhension d'un roman".

  • La production standard pourrait être une dissertation écrite.
  • Pour Joe, qui a une dysorthographie sévère, l'effort pour écrire correctement peut masquer sa compréhension fine de l'œuvre. Vous pouvez lui proposer de réaliser un enregistrement audio où il répond aux questions à l'oral, de créer un diaporama présentant les personnages et l'intrigue, ou encore de dessiner une bande dessinée résumant un chapitre clé.

L'évaluation porte alors sur la qualité de l'analyse et la compréhension, et non sur la maîtrise de l'orthographe ou de la syntaxe.

Scénarios concrets : Joe face à l'exercice de mathématiques



adapt exercises

Les mathématiques, par leur nature abstraite et séquentielle, sont souvent un terrain où les difficultés cognitives se manifestent de manière flagrante. Prenons un même problème et voyons comment l'adapter.

Le problème de base : "Un marchand achète 3 caisses de 25 pommes chacune au prix de 15 € la caisse. Il revend les pommes à 0,80 € l'unité. Quel est son bénéfice total s'il vend toutes les pommes ?"

Joe et la dyscalculie : décomposer le problème

Pour un Joe avec une dyscalculie, la difficulté ne réside pas seulement dans le calcul, mais dans la compréhension du sens des nombres et des opérations. Le texte du problème est un brouillard d'informations.

Adaptation :

  1. Décomposer la consigne : Au lieu d'un bloc de texte, présentez le problème en étapes claires et numérotées.
  • Étape 1 : Trouve le nombre total de pommes. (Aide : 3 caisses de 25 pommes)
  • Étape 2 : Calcule combien le marchand a dépensé. (Aide : 3 caisses à 15 €)
  • Étape 3 : Calcule combien d'argent il a gagné en vendant tout. (Aide : utilise le nombre total de pommes)
  • Étape 4 : Calcule le bénéfice. (Aide : Bénéfice = Argent gagné - Argent dépensé)
  1. Utiliser du matériel concret : Fournissez des jetons ou des cubes pour représenter les pommes et les caisses. La manipulation aide à donner du sens aux nombres.
  2. Visualiser : Proposez un schéma simple à compléter, avec des cases pour chaque calcul intermédiaire.

Joe et le TDAH : canaliser l'attention

Pour un Joe avec un Trouble du Déficit de l'Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH), le défi est de rester concentré sur les multiples étapes, de ne pas se laisser distraire et d'inhiber l'impulsion de donner une réponse rapide mais erronée.

Adaptation :

  1. Surligner les informations clés : Donnez-lui le problème et demandez-lui, avec des surligneurs de couleurs différentes, de marquer les nombres, les unités (pommes, €) et les mots-clés (achète, revend, bénéfice). Cet acte simple force une lecture active.
  2. Fractionner la tâche : Présentez le problème sur une feuille où chaque étape est séparée par une ligne. Demandez-lui de faire valider chaque étape avant de passer à la suivante. Cela offre un feedback immédiat et prévient les erreurs en cascade.
  3. Autoriser le mouvement : Permettez-lui de se lever pour aller chercher une calculatrice (si autorisée) ou de travailler debout à une table haute. L'utilisation d'un "timer" pour des périodes de travail courtes (ex: 10 minutes de concentration) peut aussi être très efficace.

Joe et le trouble du spectre de l'autisme (TSA) : clarifier l'implicite

Pour un Joe avec un TSA, les difficultés peuvent provenir de la rigidité de la pensée et de la peine à comprendre les informations implicites ou le contexte social d'un problème.

Adaptation :

  1. Expliciter le vocabulaire : Assurez-vous que des mots comme "bénéfice" sont parfaitement compris. Une définition simple peut être ajoutée en note : "Le bénéfice, c'est l'argent que le marchand gagne pour lui, après avoir remboursé ce qu'il a dépensé."
  2. Fournir un plan de travail : Un "script" de résolution de problème peut être très rassurant. Par exemple : "1. Je lis la question. 2. Je trouve les données utiles. 3. Je choisis la bonne opération. 4. Je pose le calcul. 5. J'écris la phrase réponse." Cette structure prévisible réduit l'anxiété.
  3. Éviter les ambiguïtés : Reformulez le problème pour qu'il soit le plus direct et littéral possible, en éliminant toute information superflue qui pourrait créer de la confusion.
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Adapter les matières littéraires : le cas de l'analyse de texte

L'adaptation ne se limite pas aux sciences. En français, une analyse de texte peut être un obstacle majeur pour de nombreux profils. L'objectif est de permettre à l'élève d'accéder au sens et de développer une pensée critique, même si les compétences techniques (lecture fluide, écriture) sont fragiles.

Joe et la dyslexie : l'accès au texte avant tout

Pour un Joe dyslexique, le déchiffrage du texte consomme toute son énergie cognitive. Il ne lui reste que peu de ressources pour la compréhension et l'analyse. L'enjeu est de lui libérer l'esprit de cette charge.

Adaptation :

  • Support audio : Fournir une version audio du texte est l'adaptation la plus puissante. Il peut ainsi écouter le texte une première fois pour en saisir le sens global, puis suivre avec ses yeux sur le papier lors d'une deuxième écoute.
  • Mise en page adaptée : Utilisez une police de caractères conçue pour les dyslexiques (ex: OpenDyslexic), augmentez l'interlignage et la taille des caractères. Évitez les colonnes et justifiez le texte à gauche uniquement.
  • Pré-lecture : Fournissez en amont une liste du vocabulaire difficile avec des définitions simples, ou pré-surlignez les noms des personnages principaux pour faciliter leur repérage.

Joe et le trouble du langage : de l'idée à la phrase

Pour un Joe présentant un trouble développemental du langage (TDL), la difficulté est de structurer sa pensée et de la traduire en phrases grammaticalement correctes. Il a souvent les idées, mais ne trouve pas les mots ou la syntaxe pour les exprimer.

Adaptation :

  • Organisateurs graphiques : Proposez-lui de commencer par remplir une carte mentale ou un tableau pour organiser ses idées (qui ? quoi ? où ? pourquoi ?). Cette étape non-rédactionnelle permet de structurer la pensée.
  • Amorces de phrases : Fournissez une liste d'amorces pour l'aider à démarrer ses phrases d'analyse : "L'auteur utilise ce mot pour montrer que...", "Ce personnage est important car...", "On peut voir que l'ambiance est triste grâce à...".
  • Banque de mots : Mettez à sa disposition une liste de mots de liaison (donc, car, cependant, de plus) et de vocabulaire thématique (champ lexical de la peur, de la joie, etc.).

L'évaluation inclusive : mesurer les compétences, pas les difficultés

L'adaptation doit se poursuivre jusque dans l'évaluation. Une évaluation inclusive cherche à savoir ce que l'élève a compris et ce qu'il est capable de faire, en neutralisant autant que possible l'impact de ses difficultés.

Des formats d'évaluation variés

Sortez du cadre de l'épreuve sur table en temps limité. Un élève avec une mémoire de travail fragile ou une grande anxiété perdra ses moyens dans ces conditions. Pensez à des alternatives :

  • Le portfolio : Rassembler les meilleurs travaux de l'élève sur une période donnée pour montrer sa progression.
  • L'évaluation orale : Un entretien individuel peut permettre à un élève ayant des difficultés à l'écrit de montrer toute la profondeur de sa réflexion.
  • Le projet : Évaluer une compétence à travers la réalisation d'un projet concret (une maquette, une présentation, une vidéo) qui laisse plus de place à la créativité et à l'utilisation des points forts de l'élève.

Le rôle du feedback constructif

Le feedback est un outil d'apprentissage puissant. Pour qu'il soit efficace, il doit être précis, bienveillant et axé sur la tâche, non sur la personne. Au lieu de "C'est faux", préférez "Je vois que tu as utilisé l'addition ici. Regardons ensemble si une autre opération ne serait pas plus adaptée pour trouver un bénéfice." Mettez en avant les réussites, même partielles, avant de pointer les axes d'amélioration.

En conclusion, adapter les exercices selon les profils cognitifs n'est pas une charge de travail supplémentaire insurmontable. C'est un changement de philosophie. Il s'agit de voir chaque exercice non pas comme un obstacle unique que tous doivent franchir de la même manière, mais comme une destination vers laquelle plusieurs chemins sont possibles. En devenant un architecte de ces chemins, vous ne rendez pas seulement l'école plus accessible pour les "Joe" de votre classe ; vous rendez votre enseignement plus riche, plus précis et, finalement, plus efficace pour tous vos élèves.



L'article "JOE en classe inclusive : adapter les exercices selon les profils cognitifs" met en lumière l'importance de personnaliser les activités pédagogiques pour répondre aux besoins variés des élèves. Pour ceux qui souhaitent approfondir leur compréhension de l'outil JOE, il est intéressant de consulter la FAQ de JOE, qui fournit des réponses détaillées aux questions fréquentes sur l'utilisation de cette plateforme innovante. Cette ressource est particulièrement utile pour les éducateurs cherchant à maximiser l'efficacité de leurs méthodes d'enseignement en classe inclusive.

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